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mardi 14 octobre 2014

Il y a 208 ans, Davout écrasait les Prussiens à Auerstaedt.

   Le 14 Octobre 1806, en marge de la célèbre bataille d’Iéna se tint un engagement sans doute plus fabuleux encore mais néanmoins méconnu. Cette bataille, connue sous le nom de bataille d’Auerstaedt, fut la plus resplendissante victoire du génial maréchal Davout et de son 3ème corps. Elle marqua la fin de la supériorité tactique dont les prussiens se prévalaient depuis près d’un demi-siècle et confirma la victoire des forces napoléoniennes sur la quatrième coalition.
 
   Depuis le début de la campagne, Louis Nicolas Davout formait avec Bernadotte et Murat l’avant-garde de l’armée française et avait pour mission d’effectuer le moment venu le mouvement tournant voulu par Napoléon qui cherchait à couper l’armée ennemie pour pousser jusqu’à Berlin. Ainsi, dans la nuit du 13 au 14 Octobre, les forces impériales qui avaient réussi à rejoindre l’ennemi près d’Iéna savaient que la bataille ne pourrait plus leur être refusée. L’empereur envoya dès lors Davout effectuer le contournement souhaité sans savoir que ses renseignements sur la position de l’ennemi étaient partiellement faux. Pensant avoir face à lui le gros des forces prussiennes à Iéna, Napoléon ne pensa pas un instant que l’armée qui lui fait face n’était en fait que l’arrière-garde ennemie, tandis que Davout, lui, se dirigeait vers l’avant-garde du roi Frédéric-Guillaume III suivie de son armée principale.
Tacticien hors de pair, Davout avait sous ses ordres l’un des corps d’armées les plus disciplinés de toute la Grande Armée et disposait dans sa manche de trois atouts non négligeables, Gudin, Friant et Morand, trois des plus brillants généraux de division d’infanterie de l’armée impériale que l’on surnommait « les 3 immortels ».

   L’engagement débute dans le brouillard de cette froide matinée d’Automne lorsqu’un groupe de chasseurs à cheval du premier régiment rencontra par hasard une troupe de cavaliers prussiens. Bientôt aidés par des fantassins, les Français repoussèrent l’ennemi qui prit la fuite, allant alerter son commandement de l’incident. Face à cette nouvelle information, le roi Frédéric Guillaume consulta son état-major qui resta divisé sur l’attitude à adopter. Le duc de Brunswick recommanda d’attendre que le gros de l’armée prussienne rejoigne l’avant-garde pour faire bloc, mais son avis ne prévalut finalement pas, la conviction que les Français n’étaient qu’en petit nombre ayant été majoritaire parmi les officiers.
Ainsi les premiers bataillons prussiens continuèrent-ils leur avance pour se heurter bientôt aux carrés de l’infanterie de Gudin. La cavalerie de Blücher fut repoussée sans ménagement et nombre de ses escadrons fuirent dans la panique la plus totale. Bientôt, néanmoins, la pression exercée par les divisions fraîches des Prussiens ébranla la division Gudin, alors sauvée par l’arrivée des colonnes de la division Friant. Le combat avait alors débuté depuis environ deux heures et demie.

Le Maréchal Louis Nicolas Davout (1770-1823)

   Innombrables, les Prussiens se déversèrent sur le champ de bataille et rien ne semblait arrêter leur progression de manière significative lorsqu’arriva enfin au pas de course la division Morand.
Dans les heures qui suivent, les charges se multiplièrent sur les carrés français, mais pas un ne faiblit. Davout, le vêtement déchiré par les balles, se tenait au cœur de ses forces, ne ménageant pas sa peine tandis que la blessure du prince Guillaume finit par provoquer la déroute de la cavalerie prussienne. Désemparé, le feld-maréchal duc de Brunswick attaqua sans relâche, l’épée à la main, une position clef du champ de bataille et finit par trouver la mort, fauché par une balle française.
Privée de son estimé commandant, l’armée prussienne faiblit et les Français gagnèrent du terrain partout sur le champ de bataille malgré le bombardement intensif de l’artillerie prussienne. Ayant pris le commandement, le roi tenta une dernière percée mais vit son effort réduit à néant par l’opiniâtreté du 3ème corps.
A une heure de l’après-midi, les Prussiens entamèrent leur retraite vers Auerstaedt ; retraite que seule l’arrivée de leurs divisions de réserve empêcha de tourner à la déroute.

   A quatre heures de l’après midi, la victoire était définitivement assurée. Pas un seul soldat de l’armée royale n’aura échappé aux combats et un tiers des effectifs se seront retrouvés hors combat. Le roi Frédéric-Guillaume III, qui espérait alors rallier son armée vers Weimar pour mener une nouvelle bataille, vit ses espoirs réduits à néant quand l’impensable se produisit : son armée, qui retraitait tant bien que mal en ordre se trouva disloquée par les fuyards de la bataille d’Iéna qui arrivèrent en masse et créèrent un mouvement de panique.
   
   Au final, les Français auront obtenu non pas une seule mais deux brillantes victoires en ce jour. A Auestraedt, ils combattirent à presque un contre trois, 23 000 fantassins et 44 canons contre 60 000 et près de 230 canons, tuant, blessant ou faisant prisonnier trois fois plus d’homme qu’ils n’en auront perdu (soit environ 13 000 contre 4300 sans compter les 115 canons capturés). Le maréchal Bernadotte, futur roi de Suède, rival et ennemi de Davout, aura pour sa part passé la journée entre Iéna et Auerstaedt, n’allant aider à aucun de ces engagements.
   L’importance de cette bataille d’Auerstaedt, qui se déroula simultanément et à une vingtaine de kilomètres au Nord d’Iéna, ne fut cependant pas immédiatement perçue et se trouva bien vite éclipsée dans la propagande impériale par la victoire d’Iéna remportée, elle, par l’Empereur en personne.

Par Olivier L, Historien et spécialiste du Premier Empire.

dimanche 7 septembre 2014

Il y a 202 ans, à Borodino, l'Empereur battait les Russes...


   "L’une des quelques occurrences où le courage des soldats de la Grande Armée surpassa les talents tactiques de Napoléon, la bataille de la Moskova/Borodino resta dans les mémoires comme l’une des plus terribles boucheries des guerres napoléoniennes. Elle prit place en septembre de l'année 1812, durant la légendaire campagne de Russie et resta dans les mémoires comme un exemple typique de ce que l’on appelle une victoire à la Pyrrhus.

   Après des semaines de marche sans être parvenu à arracher la moindre bataille décisive à une armée russe fuyante, Napoléon sait qu’il joue son va-tout. Si loin de ses bases, une défaite signifierait une catastrophe irrémédiable pour son corps expéditionnaire et la nouvelle d’une défaite risquerait d’avoir des conséquences politiques dramatiques dans le reste de l’Empire à l’heure où viennent d'Espagne les nouvelles d'une cruelle défaite des forces de Marmont face aux Anglais de Wellington.
Enfin pourtant, après des mois de marches, la bataille décisive tant voulue par l’Empereur semble enfin se présenter.

   Le 6 septembre, veille de la bataille, tandis que les dernières unités arrivent sur le champ de bataille et que l’on rallie les traînards, Napoléon réfléchit à son plan de bataille. Affecté par une forte grippe accompagnée d’épouvantables migraines, il redoute plus que tout de voir une nouvelle fois l’armée russe se dérober en lui refusant une nouvelle fois sa victoire tant espérée. Face aux forces impériales, néanmoins, l’armée russe de Koutouzov, galvanisée par la conviction de défendre son sol sacré et convaincue d’être le dernier rempart entre l’envahisseur et la cité Sainte de Moscou, se trouvait plus déterminée que jamais. Le plan sur lequel s’arrêta finalement l’Empereur fut donc simple et efficace : sur la Gauche, Eugène aurait pour mission de prendre la village de Borodino et de contenir l’ennemi tandis qu’au centre Junot, Ney et Murat et qu’à droite Davout et Poniatovski marcheraient à l’ennemi. Davout, dont le génie tactique n’était plus à prouver, suggéra de se porter sur le flanc russe durant la nuit à travers les bois d’Outitza pour en attaquer le flanc, mais l’Empereur, craignant de provoquer par cette (pourtant très subtile) manœuvre la fuite de l’ennemi qu’il avait eu tant de mal à amener sur le champ de bataille, rejeta l’idée et préféra son approche plus directe.

   Au matin du 7 septembre, à proximité du village de Borodino, à seulement 125km de Moscou, 250 000 hommes et plus de 1200 bouches à feu se font face.A 5 heures, tandis que le soleil se lève et perce la brume matinale, Napoléon qui parcourt à cheval ses lignes, tourne son regard vers l’Est et lâche des mots qu’il espère prophétiques : « c’est le soleil d’Austerlitz ».

   A 6 heures, les premiers coups de canon retentissent. Atteint par un boulet qui tue sous lui son cheval, Davout tombe, évanoui. On le croit mort. Apprenant la nouvelle, Napoléon envoie Murat prendre le commandement du corps de Davout, mais à son arrivée il trouve le prince d’Eckmühl bien vivant à la tête de ses hommes. L'événement ne restera cependant pas sans conséquences et forcera Davout à quitter son commandement quelques minutes plus tard.

   7 heures. Accompagné de trois divisions, le maréchal Ney fond sur les Russes de Bagration. Enfin, Koutouzov comprend le plan de Napoléon qui prévoit de percer son flanc gauche pour lui couper toute possibilité de retraite vers Moscou et envoie le corps de Boggowouth au secours de son aile fragilisée. Ney, qui remportera par ailleurs en ce jour le titre de prince de la Moskova, repousse l’ennemi et prend pied sur ses positions. Débute alors une féroce contre-attaque des forces tsaristes dont les fantassins et la cavalerie lourde menacent de repousser les Français. Arrivant au triple galop et avec son panache habituel, Joachim Murat vole au secours du « brave des braves » avec sa cavalerie légère, bientôt suivie par la division de cuirassiers de Nansouty et de deux autres brigades de cavalerie légère qui se ruent sans attendre sur les carrés de la Garde russe.
Repoussés encore et encore, les cavaliers français ouvrent finalement une brèche dans les lignes russes et permettent à Ney et au corps de Davout, dont le génial maréchal a abandonné le commandement, de prendre pied sur la troisième position du dispositif ennemi. Cependant, les positions surélevées occupées par les Russes derrière se point font subir d’horribles pertes aux soldats de la Grande Armée.

La prise de la Grande Redoute par les Français.
 
   Vers 10 heures, au milieu d’une terrible canonnade, un régiment de la division Morand (corps de Davout) s’empare de la grande redoute occupée par 24 pièces d’artillerie russe de gros calibre. Malade et fatigué, incapable de voir au milieu de la fumée de la bataille et aveuglé par le soleil qui lui fait face, Napoléon ne voit pas l’ennemi fuir la redoute et rate un moment décisif en refusant de faire donner la Garde. De son côté, voyant les choses sur le point de mal tourner, Koutousov rallie ses forces et engage l’intégralité de son armée dans une vaste contre-offensive.

   A 11 heures passées, la mêlée est générale sur tous les points du champ de bataille. Au centre, la division Morand recule et est secourue par celle de Gérard (ex division Gudin), à droite les forces de Davout et Ney subissent assaut sur assaut tandis que la division Friant, ayant traîné sur tout le champ de bataille quatre-vingt canons, prend place sur les ouvrages défensifs pris plus tôt aux Russes.
Malgré la mort de Bagration, peu avant 13h, la percée finale semble toujours hors de portée pour les forces impériales poussant l’empereur à reformer son artillerie en une vaste batterie de près de trois-cents pièces.

   A 15h, les corps d’Osterman et de Doktourov, ainsi que la Garde russe ont été assez entamé par le feu nourri des Français pour permettre un assaut décisif, mais au final, les Russes combattent avec une énergie et une détermination jamais vue. Bien que conscient de pouvoir emporter la victoire s’il faisait donner sa Garde, Napoléon n’en fait rien, craignant d’infliger trop de pertes à son corps d’élite.
Le combat durera finalement jusqu’à la nuit.

   A 22h, Murat arrive au quartier général et annonce la retraite des Russes. Les Russes ont laissé sur le champ de bataille 50 000 tués ou blessés sur 120 000 hommes, auxquels s’ajoutent 800 prisonniers. De son côté, l’armée napoléonienne a perdu 30 000 de ses soldats sur un effectif total de 130 000. Nombre d’officiers et de héros des deux camps ont perdu la vie lors de la terrible journée, donnant à l'engagement une sinistre réputation.
« Jamais je ne vis briller dans mon armée autant de mérite », dira l’Empereur. De fait, les pertes de l’armée napoléonienne furent presque deux fois moins importantes que celles du tsar, mais si cette victoire à l’arrachée ouvrit la route de Moscou, elle ne permit pas de détruire les forces russes qui s’évanouirent dans la nature pour devenir, deux mois plus tard, une terrible épine dans le flanc des forces françaises en retraite."

 Par Olivier L. Historien et spécialiste du Premier Empire.