mercredi 2 avril 2014

Retour sur la diffusion d'Apocalypse, la Première Guerre Mondiale.

   C'était donc ces trois derniers mardis soir que France 2 diffusait les cinq épisodes d'Apocalypse 1GM.

EPISODES 1 ET 2 : FURIE ET PEUR.
 Comme annoncé, beaucoup d'images d'archives colorisées, sonorisées et inédites, le tout assaisonné d'un magma d'informations qui submergent le téléspectateur. Pour les non-initiés, il est dur de s'accrocher au wagon Kassovitz qui en l'espace de quinze minutes nous aura parlé de Sissi, Anastasia, Raspoutine, ainsi que des yachts de luxe des empereurs russes et allemands. On se dit alors que Stéphane Bern s'est immiscé dans le montage d'Apocalypse, mais heureusement, fausse alerte, l'engrenage qui mène à la guerre prend la suite.
   Le jeu des alliances, les rivalités européennes, toute la genèse y est. On regrettera cependant l'occultation complète de la situation italienne, au départ du côté des Empires Centraux mais qui préfèrera rester neutre au début des hostilités. De Sarajevo aux premiers jours d'Août 1914, on a droit aux ultimatums, à l'assassinat de Jaurès, au tocsin, à la mobilisation, aux tragiques séparations...

   Ça y est c'est la guerre, et quoi de mieux pour illustrer la guerre que de beaux soldats colorisés défilant sous le nez des caméras de la propagande? Or, nombreuses sont les erreurs de colorisations des uniformes, surtout pour les français : du bleu horizon dès 1914, fera tiquer plus d'un initié... Sans parler d'un politiquement correct complètement anachronique. La victimisation des soldats est montrée à son paroxysme, or la société de l'époque n'est point celle d'aujourd'hui. Les hommes savaient qu'ils mettaient en jeu leurs vies pour défendre leurs pays, leurs familles, et c'est bien cela qui les a fait tenir, et non pas la peur des conseils de guerre comme dis dans le commentaire.
   Que de maladresses également avec les troupes coloniales, on nous montre systématiquement des troupes noires alors que celles-ci débarqueront en masse bien après le début de la guerre. Les troupes de l'armée d'Afrique sont alors essentiellement composées de soldats métropolitains, pieds noirs et maghrébins. Élite de l'armée, seule habituée au feu par les opérations de conquêtes et de pacifications. Elles ne viennent pas sauver la France, "sur des bateaux presque aussi chargés que les négriers d’antan" - raccourci aussi maladroit que hors contexte -  mais bien remporter la victoire sur l'Empire Allemand. Oui les coloniaux ont souffert, mais pas plus que les soldats français, les régiments métropolitains ont payé un très lourd tribut tout au long de la guerre, et surtout dans les  mois de 1914.
   Bref, ces deux premiers documentaires m'ont laissé sur ma faim, j'ose espérer que les suivants seront de meilleur acabit.

EPISODES 3 ET 4 : ENFER ET RAGE.

   Après deux premiers épisodes qui ont bombardé les téléspectateurs d'informations sur la genèse et les premiers mois du conflit, Enfer et Rage, les deux suivants ont survolé la période 1915 à 1917. Les évolutions matérielles de la guerre sont minutieusement décrites, de l'uniforme bleu horizon au casque Adrian, en passant par les shrapnells ou les gaz de combat. L'enfer c'est Verdun et la Somme, ce sont les assauts dans le no man's land, l'artillerie, les mitrailleuses, la vermine. Les réalisateurs se sont attardés sur les grandes batailles de 1916 mais ont occulté celles de 1915 en Champagne et en Artois, pourtant très meurtrières et toutes aussi dignes d'intérêt. Aucune mention de la reprise du fort de Douaumont fin 1916, symbole de la résistance victorieuse des armées françaises prises dans la noria de la Voie Sacrée. On passe ensuite directement à avril 1917 et aux mutineries qui frappent l'Armée Française. Nivelle est expédié aussi vite qu'arrive Pétain mis en scène par la propagande. Avec la Somme, Salonique, le Chemin des Dames et Paschendaele, les généraux alliés font piètre mesure face à Hindenburg et Ludendorff, présentés comme de véritables génies militaires, pourtant non moins avares de la vie de leurs hommes. Les aviateurs ont droit à leur heure de gloire, Après Hitler dans le second épisode, on a droit à Goering, déjà dépeint aux commandes de son Fokker comme un pilote sanguinaire... A noter la vision très intéressante des U-Boote allemands, rarement évoqués et montrés jusqu'ici dans les documentaires sur la 1GM. La guerre sous marine à outrance des allemands étant un tremplin parfait pour lancer l'entrée en guerre des États-Unis au printemps 1917. Le mythe des américains qui viennent sauver les alliés sera-t-il démenti dans la suite des évènements? Nous osons y croire ! La révolution Russe de février mars 1917 et la fin du tsarisme laisse le téléspectateur dans le suspense...

EPISODE 5 : DELIVRANCE.

    Dernier épisode, celui qui va décrire la fin de la guerre. Les italiens sauvés par les Alliés franco-britanniques après le désastre de Caporetto, en prennent d'entrée pour leur grade. Les bolcheviks prennent le pouvoir en Russie et quittent la guerre en offrant aux allemands et à leurs alliés autant de territoires qu'ils le désiraient. Voici venu l'heure de l'affrontement final sur le front Ouest. Aux coups de boutoirs de Luddendorff répondent ceux de Foch appuyés par les chars Renault et par les premières divisions américaines de Pershing. Les Allemands reculent alors en bon ordre ou en se rendant par milliers.   Les troupes alliées avancent mais pas assez pour que la population allemande se rende compte de la défaite. Nouvelle allusion au coup de poignard dans le dos qui sera exploité par les Nazis après guerre. Victoire sur tous les fronts, dans les Balkans, en Orient, où opère avec succès Lawrence d'Arabie. Victoire mais à quel prix, les pertes sont monstrueuses, la grippe espagnole débarque pour parachever le travail de la Grande Faucheuse que l'on aura vu et revu X fois... Versailles, les gueules cassées, Wilson le grand chantre de la démocratie désavoué par son congrès à son retour en Amérique, ce dernier épisode passe en un éclair. 
   Nous voila délivrés de Mathieu Kassovitz et de sa dernière litanie de chiffres égrenée avec son toujours légendaire ton monocorde. Puis, France 2 a eu l'intelligence de confier à Stéphane Audoin Rouzeau et sa collègue de Picardie le bilan dans l'émission de Marie Drucker. Confier l'Histoire à des historiens, c'est encore ce qui se fait de mieux.