mercredi 29 octobre 2014

[Télévision] L'adaptation de Ceux de 14, sur France 3, les trois premiers épisodes.

   Ce mardi 28 octobre, France 3 diffusait les trois premiers épisodes de la nouvelle mini-série adaptant l’œuvre de Maurice Genevoix : Ceux de 14. L'idée semblait séduisante, mais la tâche s'est révélée ardue, tant l'ouvrage de l'auteur et personnage principal est dense et détaillé. On ne comprend d'ailleurs pas pourquoi, certains passages importants sont occultés, et d'autres, tout neufs, sont créés et n'apportent rien à l'ensemble. Les passages se déroulant à l'opéra par exemple, sont une pure invention dans le récit, qui se déroule uniquement au front ou juste aux arrières. Était-ce un moyen d'introduire la gent féminine dans une œuvre quasi-exclusivement masculine? En tout cas c'est raté. Au niveau des personnages, le sous-lieutenant Genevoix manque d'épaisseur, visage trop juvénile, une relation avec ses hommes trop fraternelle, on a du mal à croire que c'est lui le chef de la section. A l'inverse, le sergent Souesmes, joué par Michael Abiteboul, (déjà soldat de la Grande Guerre dans les Fragments d'Antonin en 2006) parait être le vrai chef de l'unité.



   Pour ce qui est du purement historique, ces soldats de 1914 ont le cheveux bien long et la barbe déjà hirsute avant même de partir en campagne. Le garance des pantalons parait bien foncé, on a droit à l'image du soldat corse (dans un régiment d'infanterie dont le recrutement est basé en Champagne?) illettré et apprenant à écrire et lire avec son gentil lieutenant. La guerre décrite dans ces trois épisodes n'est pas assez dure, or, les premiers mois de la guerre sont les plus sanglants et difficiles pour les soldats de l'Armée Française. On voit les soldats retraiter, marcher encore et encore, mais on ne voit pas les cadavres de chevaux au bord des routes, on n'entend pas assez le canon lourd allemand alors qu'il est omniprésent dans le témoignage de Genevoix. Les combats sont beaucoup plus sanglants que ceux qui sont montrés, on ne voit pas un seul aéroplane allemand dans le ciel... Bref, refléter la guerre, la vraie, est beaucoup plus dur que les réalisateurs le pensait à mon avis. Attendons la suite, aux Eparges, il se peut que la boue et l'enfer de la guerre de tranchées soient mieux représentés.

mardi 14 octobre 2014

Il y a 208 ans, Davout écrasait les Prussiens à Auerstaedt.

   Le 14 Octobre 1806, en marge de la célèbre bataille d’Iéna se tint un engagement sans doute plus fabuleux encore mais néanmoins méconnu. Cette bataille, connue sous le nom de bataille d’Auerstaedt, fut la plus resplendissante victoire du génial maréchal Davout et de son 3ème corps. Elle marqua la fin de la supériorité tactique dont les prussiens se prévalaient depuis près d’un demi-siècle et confirma la victoire des forces napoléoniennes sur la quatrième coalition.
 
   Depuis le début de la campagne, Louis Nicolas Davout formait avec Bernadotte et Murat l’avant-garde de l’armée française et avait pour mission d’effectuer le moment venu le mouvement tournant voulu par Napoléon qui cherchait à couper l’armée ennemie pour pousser jusqu’à Berlin. Ainsi, dans la nuit du 13 au 14 Octobre, les forces impériales qui avaient réussi à rejoindre l’ennemi près d’Iéna savaient que la bataille ne pourrait plus leur être refusée. L’empereur envoya dès lors Davout effectuer le contournement souhaité sans savoir que ses renseignements sur la position de l’ennemi étaient partiellement faux. Pensant avoir face à lui le gros des forces prussiennes à Iéna, Napoléon ne pensa pas un instant que l’armée qui lui fait face n’était en fait que l’arrière-garde ennemie, tandis que Davout, lui, se dirigeait vers l’avant-garde du roi Frédéric-Guillaume III suivie de son armée principale.
Tacticien hors de pair, Davout avait sous ses ordres l’un des corps d’armées les plus disciplinés de toute la Grande Armée et disposait dans sa manche de trois atouts non négligeables, Gudin, Friant et Morand, trois des plus brillants généraux de division d’infanterie de l’armée impériale que l’on surnommait « les 3 immortels ».

   L’engagement débute dans le brouillard de cette froide matinée d’Automne lorsqu’un groupe de chasseurs à cheval du premier régiment rencontra par hasard une troupe de cavaliers prussiens. Bientôt aidés par des fantassins, les Français repoussèrent l’ennemi qui prit la fuite, allant alerter son commandement de l’incident. Face à cette nouvelle information, le roi Frédéric Guillaume consulta son état-major qui resta divisé sur l’attitude à adopter. Le duc de Brunswick recommanda d’attendre que le gros de l’armée prussienne rejoigne l’avant-garde pour faire bloc, mais son avis ne prévalut finalement pas, la conviction que les Français n’étaient qu’en petit nombre ayant été majoritaire parmi les officiers.
Ainsi les premiers bataillons prussiens continuèrent-ils leur avance pour se heurter bientôt aux carrés de l’infanterie de Gudin. La cavalerie de Blücher fut repoussée sans ménagement et nombre de ses escadrons fuirent dans la panique la plus totale. Bientôt, néanmoins, la pression exercée par les divisions fraîches des Prussiens ébranla la division Gudin, alors sauvée par l’arrivée des colonnes de la division Friant. Le combat avait alors débuté depuis environ deux heures et demie.

Le Maréchal Louis Nicolas Davout (1770-1823)

   Innombrables, les Prussiens se déversèrent sur le champ de bataille et rien ne semblait arrêter leur progression de manière significative lorsqu’arriva enfin au pas de course la division Morand.
Dans les heures qui suivent, les charges se multiplièrent sur les carrés français, mais pas un ne faiblit. Davout, le vêtement déchiré par les balles, se tenait au cœur de ses forces, ne ménageant pas sa peine tandis que la blessure du prince Guillaume finit par provoquer la déroute de la cavalerie prussienne. Désemparé, le feld-maréchal duc de Brunswick attaqua sans relâche, l’épée à la main, une position clef du champ de bataille et finit par trouver la mort, fauché par une balle française.
Privée de son estimé commandant, l’armée prussienne faiblit et les Français gagnèrent du terrain partout sur le champ de bataille malgré le bombardement intensif de l’artillerie prussienne. Ayant pris le commandement, le roi tenta une dernière percée mais vit son effort réduit à néant par l’opiniâtreté du 3ème corps.
A une heure de l’après-midi, les Prussiens entamèrent leur retraite vers Auerstaedt ; retraite que seule l’arrivée de leurs divisions de réserve empêcha de tourner à la déroute.

   A quatre heures de l’après midi, la victoire était définitivement assurée. Pas un seul soldat de l’armée royale n’aura échappé aux combats et un tiers des effectifs se seront retrouvés hors combat. Le roi Frédéric-Guillaume III, qui espérait alors rallier son armée vers Weimar pour mener une nouvelle bataille, vit ses espoirs réduits à néant quand l’impensable se produisit : son armée, qui retraitait tant bien que mal en ordre se trouva disloquée par les fuyards de la bataille d’Iéna qui arrivèrent en masse et créèrent un mouvement de panique.
   
   Au final, les Français auront obtenu non pas une seule mais deux brillantes victoires en ce jour. A Auestraedt, ils combattirent à presque un contre trois, 23 000 fantassins et 44 canons contre 60 000 et près de 230 canons, tuant, blessant ou faisant prisonnier trois fois plus d’homme qu’ils n’en auront perdu (soit environ 13 000 contre 4300 sans compter les 115 canons capturés). Le maréchal Bernadotte, futur roi de Suède, rival et ennemi de Davout, aura pour sa part passé la journée entre Iéna et Auerstaedt, n’allant aider à aucun de ces engagements.
   L’importance de cette bataille d’Auerstaedt, qui se déroula simultanément et à une vingtaine de kilomètres au Nord d’Iéna, ne fut cependant pas immédiatement perçue et se trouva bien vite éclipsée dans la propagande impériale par la victoire d’Iéna remportée, elle, par l’Empereur en personne.

Par Olivier L, Historien et spécialiste du Premier Empire.

mercredi 1 octobre 2014

[Lecture] Une uchronie : 1940, et si la France avait continué la guerre?

   Une nouvelle passionnante lecture que voilà, de l'Histoire oui, mais comme on aurait aimé qu'elle se passe ! Je me rappelle qu'au début des années 2000 lors de mes années de lycée, je m'étais plongé dans la lecture de la Grande Histoire de la Seconde Guerre Mondiale de Pierre Montagnon. Et le chapitre concernant la bataille de France était l'un de mes préférés. Plusieurs fois, je m'étais imaginé ce qu'il se serait passé si la France avait continué le combat en Afrique et non pas capitulé sous l'égide du Maréchal Pétain. Or voici qu'en 2004 plusieurs chercheurs et leurs étudiants se sont penché sur le sujet, historiens, étudiants, spécialiste de jeux de simulations militaires. En est sorti en 2010 un premier tome que je vous présenterai ici : "1940 Et si la France avait continué la guerre?"
   Tout commence en juin 1940, et un évènement anodin va sceller le destin du pays. Pas une contre-attaque fulgurante qui va redresser la situation militaire, pas la mort de Hitler, non : La maitresse de Paul Reynaud, la comtesse Hélène de Portes, farouche partisane de l'armistice, décède dans un accident de la circulation. Le président du Connseil anéanti, mais libéré de cette influence néfaste, va alors se tourner vers Mandel et de Gaulle plutôt que vers les défaitistes. On s'y croirait, tout est tellement réaliste, je me suis surpris à ressentir des montées d'adrénaline en lisant certains passages hauts en couleurs. 
   Quel travail de documentation, de simulation, chaque action est détaillée, comme si on lisait un ouvrage de référence sur la Seconde Guerre Mondiale, les personnages politiques sont dépeints dans leurs actions avec leurs caractères propres, telles opiniâtreté d'un général de Gaulle ou d'un Winston Churchill. Je vous invite à vous plonger dedans, d'autant que le tome II vient de sortir, en attendant le dernier tome qui est en cours de réalisation. Un grand coup de chapeau à ces historiens uchronistes !